jeudi 19 novembre 2015

Contrecarrer les loups solitaires ou la guerre contre l’ombre

Tel un virus, les groupes terroristes ont su au fil du temps de s’adapter et survivre aux filets que dressent les différents services de renseignement et de lutte anti-terroriste de par le monde.

Les services de sécurité ont toujours eu tendance de viser les leaders des groupes terroristes en-vue de casser la morale des filleules et démontrer indirectement aux fanatiques que leurs causes sont loin d’avoir un quelconque « soutien divin » car en réalité elles causent plus de tort que de raison.

Afin de survivre aux stratégies standardisées de lutte anti-terroriste, les fanatiques ont empruntés à la biologie le concept de cellule individualiste et auto-suffisante, communément appelé « loup solitaire » et qui consiste en une personne isolée endoctrinée et convaincue du fait terroriste, qui choisi ses propres cibles, prépare et mène ses propres opérations sans avoir à suivre une ligne hiérarchique qui peut souvent être infiltrée par les éléments de la lutte antiterroriste. En effet, la bibliographie idéologique ainsi que les formules de préparation des explosifs artisanales circulent librement sur le web et peuvent être utilisées par toute victime d’un lavage de cerveau.

Un Loup solitaire peut passer de la passivité à l’état offensif à tout moment et est difficile à détecter avant qu’il ne songe de passer à l’acte, c’est ce qui limite les chances de l’intercepter avant que le sang des innocents ne soit versé.

Les derniers attentats simultanées qui ont eu pour scène Paris et qui ont chassés l’âme de plus de 120 innocents en sont la dernière constatation. En effet, le système d’acquisition de l’information et la réactivité des services français n’ont pas été au rendez-vous pour prévenir une opération d’une telle envergure, il ne s’agit-il pas là d’un manquement mais plus tôt d’une évolution et métamorphose continue de la menace, qui ne cesse d’évoluer d’accumuler de l’expérience et d’apprendre de ses erreurs. Daech, le fils ingrat d’Al Caida a fait preuve d’une meilleure organisation et efficacité que son ascendant, que cela soit sur le plan de la force idéologique par l’autoproclamation d’un Calife mais aussi par le professionnalisme dont ses troupes ont fait preuve face à la jeune et inexpérimenté armée irakienne, nous sommes entrain de faire face à une néo-guérilla étrangement inspirée de la doctrine de la guerre sans limite dont les théoriciens sont deux colonels chinois contemporains (Unrestricted warfare : http://www.dtic.mil/dtic/tr/fulltext/u2/a509132.pdf)

En plein milieu d’une zone turbulente secouée par le printemps arabe et où le terrorisme fleurit, le Maroc se dresse tel qu’un arganier millénaire dont les racines tiennent solidement au sol et confèrent une stabilité inébranlable et enviée ! Ceci est dû avant toute chose à la nature modérée et accueillante de la population marocaine, mais aussi à la qualité des hommes qui veillent sur la sécurité du pays et dont les exploits et réalisations ne sont plus à démontrer. Néanmoins la menace reste présente et peut surgir à tout moment. A cet effet, la lutte anti-terroriste au Maroc doit s’inscrire dans une démarche Kaizen d’amélioration continue afin de suivre la métamorphose du virus terroriste et maintenir le corps marocain immunisé contre son venin.

A ce titre, il est capital de suivre constamment les bonnes pratiques internationales en la matière et en faire le benchmark, plusieurs pistes d’amélioration et de renforcement du dispositif de prévention antiterroriste peuvent être effectives notamment :

- la création d'un centre d'écoute à l'instar du british GCHQ, véritable petite NSA à l’américaine, ce centre d’écoute ultra-perfectionné a permis aux British de mettre l’oreille sur toute communication téléphonique ou échange email douteux qui peut circuler.

- renforcement de la procédure de transferts de fonds de l'étranger aux particuliers marocains:(virement bancaire,western union...) , tout transfert doit venir d'un proche familial ou avoir un justificatif clair, il ne faut laisser la procédure souple que pour les entreprises qui importent et exportent des produits et services
- les colis envoyés/reçus par les particuliers via poste et autres messageries légales et informelles tels que les Autocars de voyageurs qui ont la fâcheuse tendance de prendre des colis non vérifiées par les services de douane.
- renforcement du contrôle sur les points d'accès maritimes, surtout les petites villes côtières où les bateaux de plaisance et voiliers ne subissent pas un contrôle rigoureux

- recadrement idéologique des jeunes : expliquer les conditions du jihad dans la charia notamment l’appel du amir al mouminin....  ainsi qu’au devoir d’obéissance au Amir Al Mouminin sur lequel les Imams salafis les plus célèbres mettent le point notamment Ibn Taymia et Al  Albani.

- identification de toutes les puces GSM qui circulent au Maroc et destruction de celle anonyme car elles servent pour la détonation des matières explosives

- finalement militariser la police,  car les GIGR (groupements d’interventions) de la Gendarmerie n'ont pas assez d'effectif pour intervenir là où il le faut quand il le faut. Il faut donc songer à la création des Swats (Special Weapons Attack Team) de la police dans chaque ville et région.


Le financement du renforcement du dispositif de prévention terroriste du Maroc est aussi du ressort de nos voisins du Nord, car la maitrise de la menace terroriste interne au Maroc revient en bénéfice à toute l’Europe ainsi qu’à nos alliés du Golfe

samedi 14 février 2015

Pourquoi la force militaire échoue ?

La supériorité numérique, technologique et la puissance de feu des armées modernes ne mènent forcément pas toujours à éradiquer une guérilla ou milice populaire bien inférieure sur tous les stades déjà cités .en effet l’échec de l’Otan à éradiquer les Talibans, la défaite Israélienne consécutive face au Hezbollah en 2006 ensuite face au Hamas en 2009 et 2014 sont autant d’exemples qui confirment le constat. Pourquoi les forts leur arrive-il de perdre ? et quelles sont les raisons qui permettent aux faibles de l’emporter des fois sont autant de questions qui intriguent les penseurs militaires occidentaux.  Après avoir analysé plus de 200 conflits asymétriques depuis 1800 dans son ouvrage « How the weak  Win wars » l’auteur américain Ivan Arreguin-Toft a conclu que le fort l’emporte en moyenne dans 71,5% des cas. L’analyse devient plus intéressante si on détail le chiffre et son évolution temporelle depuis 1800 jusqu’à nos jours, en effet de 1800 à 1849 le fort l’emporte à 88,2% des cas ; de 1850 à 1899 à 79,5% ; dans la 1ère partie du 20ème siècle le chiffre recule à 65,1% ensuite à 48,8% dans la période post 1950.

L’auteur tente d’expliquer le phénomène en concluant que l’interaction des stratégies suivis par le fort et le faible et le choix de la stratégie choisi face à son adversaire qui déterminent le sors du conflit, l’auteur identifie deux classes majeures de stratégies . « Stratégie directe » qui vise à détruire les capacités militaires de l’adversaire et « stratégie indirecte » qui vise à anéantir la volonté de combattre de l’ennemi et l’inciter à résigner.

On retiendra à Ivan Arreguin-Toft le mérite de prouver statistiquement le phénomène.la question n’est pas aisée puisque plusieurs facteurs peuvent mener à la victoire des uns ou à la défaite des autres.

Adrew Mack revient quant à lui à l’expérience française en Indochine suivi 20 ans après par celle des Etats-Unis au Vietnam dans « Why big nations lose small wars :the politics of asymmetric conflict ». l’auteur explique que la victoire politique des faibles n’implique pas forcément défaite militaire du fort mais plus tôt incapacité de celui-ci de justifier le coût financier et humain de son implication que cela soit aux yeux de ses troupes pour garder leur moral au haut niveau ou au yeux de son peuple dont le soutien de l’effort de guerre est déterminant. Selon l’auteur le conflit pour le faible est une question de survit alors que le fort peut jeter l’éponge à partir du moment qu’il perçoit que son projet de guerre n’est plus rentable alors pour limiter les dégâts il se retire.

Jeffrey Record s'interroge sur la question en se focalisant beaucoup plus sur la manière des Etats-Unis à penser et mener la guerre, selon lui les décideurs politiques de son pays ne considèrent pas la guerre comme instrument politique mais comme une alternative à celle-ci ,un pas de non retour qui doit forcément conduire à une victoire quelque soit le prix même si l’utilisation de la force punitive devient stérile tout en fermant les yeux sur les issues politiques pour la résolution des conflits. Pour lui la victoire militaire n’est jamais une fin en soi si elle ne conduit pas à atteindre l’objectif politique préalablement établi par le fort à ce titre l’auteur revient sur l’échec politique américain en Iraq.

Sun Tzu l’auteur de l’art de la guerre soulignait que « l’invincibilité se trouve dans la défense, et la possibilité de victoire se trouve dans l’attaque » en effet cette citation cache beaucoup de vérités qui restent réalistes jusqu’à nos jours, une relecture des 13articles de suntzu d’un œil contemporain peuvent donner explication voire prédire le sors de conflits présents et futures.

Selon SunTzu 6 paramètres peuvent mener à la victoire ou causer la défaite :

1 .La volonté de combattre dont l’intensité résulte de la cause qui sera perçue comme légitime ou illégitime que ça soit au yeux des troupes des deux antagonistes ou à l’égard de la population civile qui habite dans le territoire disputé.

Exemples de victoire du fort face au faible :victoire de l’Espagne contre l’organisation terroriste ETA, victoire de l’ANP algérienne face au GIA.
Exemples de perte du fort face au faible : la France en Indochine et en Algérie.

2. La supériorité numérique

3. La discipline qui conditionne la compétence tactique

4. Les armes ou bien la technologie utilisée par les uns et les autres : la portée des armes, mobilité et précision de tire et le rapport coût/efficacité par rapport à l’antagoniste, il ne sert à rien de gaspiller par exemple un missile de l’Iron dome Israélien à 200K USD le missile pour contrer un obus du Hamas de type Grad de 10% le prix

5. La géographie : une guérilla opère plus aisément dans un environnement montagneux (exemple : taliban,hezbollah…), une jungle tropicale(FARC, Viêt-Cong…). Par contre la guérilla est défavorable à découvert en terrain aplati désertique où il n’est pas aisé de surprendre l’ennemi (Sahara marocain cas du Polisario)

6. Le climat : généralement un territoire où il fait difficile d'opérer en hiver est toujours favorable à la guerre asymétrique (exemple : échec de Napoléon et des Nazis à envahir la Russie, le cas des Talibans en Afghanistan, le cas des Tchétchènes…)

Analyse de quelques conflits en se basant sur les 6 paramètres cités ci-dessus :

PARAMETRES

Antagonistes
La Cause
Sup.numérique
discipline
armes
géographie
climat
total
VS
Israel
0
1
1
1
0
0
3
Hezbollah
1
0
1
0
1
1
4









VS
Maroc
1
1
1
1
1
1
6
Polisario
1
0
1
0
0
0
2









VS
USA
0
1
1
1
0
0
3
Viêt-Cong
1
0
1
0
1
1
4

L’échec cuisant de l’Otan en Afghanistan qui rappel  la mésaventure de l’URSS dans le même pays 11 ans au paravent, laisse apparaître plus d’une question sur les raisons de l’échec de la force militaire face à un ennemi faible matériellement, une fois de plus la pensée militaire est amené à donner des explications tangibles et élaborer des modèles et théories qui peuvent aider les politiques à décider des guerres futures et les faire sortir de l’indécision pour pacifier les menaces urgentes que représentent certaines organisations asymétriques comme l’Etat Islamique en Iraq, Les Houtis au Yémen et Boko-Haram au Nigéria…

Bibliographie :
How theWeakWinWars, Ivan Arreguin-Toft
http://www.fd.unl.pt/docentes_docs/ma/aens_MA_20004.pdf

Why Big nations lose small wars, Andrew Mack
http://web.stanford.edu/class/polisci211z/2.2/Mack%20WP%201975%20Asymm%20Conf.pdf

Why the strong lose, Jeffrey record
http://strategicstudiesinstitute.army.mil/pubs/parameters/Articles/05winter/record.pdf